10 jours en Tanzanie
Je m’appelle Tawny et je travaille notamment en tant que chargée de la communication chez Opération Terre des Enfants.
Dans le cadre de l’inauguration du Village pour Garçons à Dodoma, j’ai pu visiter les différents projets que nous avons dans le pays mais aussi loger dans notre Village pour Filles à Kisarawe.
Dans ce témoignage, je vous livrerai mes impressions et mon ressenti sur cette expérience unique, entourée de magnifiques personnes que sont les élèves de nos écoles, les professeurs, les employés mais aussi et surtout les Sœurs de Marie.
Entre beauté et pauvreté
Lorsque l’on évoque la Tanzanie, les premières images qui viennent à l’esprit sont celles de plages de sable blanc, d’eaux cristallines, de parcs nationaux et d’animaux majestueux…
Cependant, derrière ces décors de cartes postales, se cache une pauvreté souvent extrême, une réalité que les photos et les vidéos ne parviendront jamais à transmettre intégralement.
Au cours de mon périple en Tanzanie, j’ai eu l’opportunité non seulement de découvrir les différents projets d’Opération Terre des Enfants, mais également d’explorer les régions et les habitations d’où viennent nos élèves.
Originaires de toutes les contrées du pays, ces jeunes ont tous connu la faim, l’insécurité et le désespoir. Souvent élevés par un seul parent ou des grands-parents, bon nombre d’entre eux n’ont jamais connu la sensation de s’endormir le ventre plein ou les bienfaits d’une bonne nuit de sommeil dans un vrai lit.
Leurs domiciles varient, tantôt situés dans des régions éloignées, abritant des habitations en argile ou en tôle, dépourvues d’eau et d’électricité, tantôt nichés au cœur des grandes villes, au sein de bidonvilles où l’insalubrité et la violence règnent en maîtres.
Les sourires de Kiluvya
Situé à seulement 100 km de Dar Es Salam, Kiluvya abrite notre centre de formation professionnelle dédié aux jeunes femmes ainsi qu’une école maternelle.
La joie qui règne en ces lieux est contagieuse. Que ce soient les murs joliment décorés, les comptines chantées dans les classes ou les éclats de rire au bout d’un couloir… On se sent directement imprégné d’une chaleur bienveillante ! Pourtant derrière ces beaux sourires remplis d’espoir, il y a la pauvreté… Cette pauvreté qui prive les enfants de l’insouciance d’être un enfant.
Notre école maternelle accueille les tout-petits de la région en journée durant la semaine. Regroupés par âge, ils évoluent à leur rythme et profitent des espaces de jeu et d’apprentissage nécessaires à leur épanouissement. Ils sont tellement fiers dans leurs beaux uniformes, heureux de nous montrer leurs classes joliment nommées avec des messages d’espoir ( Love, Hope, Faith,… ) et ce qu’ils apprennent !
Les jeunes femmes de notre centre de formation sont quant à elles issues de toutes les régions du pays. Et si on ressent de la bonne humeur et une réelle solidarité entre elles, dès qu’on entre dans les ateliers, c’est surtout la concentration et la détermination de ces jeunes femmes qui nous sautent aux yeux. Elles savent qu’elles n’ont que six mois ! Six mois de formation intensive loin de leurs proches durant lesquels elles vont apprendre à coudre et confectionner des vêtements, se former à la boulangerie et à la pâtisserie ou encore apprendre à créer et installer des réseaux électriques. Différentes formations qui vont leur permettre de trouver un travail dès leur retour auprès des leurs.
Deux Villages, deux visages…
Depuis 2019, des jeunes filles provenant des régions les plus pauvres de la Tanzanie évoluent au sein de notre Village de Kisarawe. Elles y apprennent les matières générales et suivent également une formation professionnelle qui leur permettra de trouver un travail dès leur fin d’études.
L’ambiance y est bon enfant tout en étant sérieuse. Entre deux cours on peut entendre leurs rires, parfois même leurs chants mais lorsque la sonnerie retentit…c’est le silence ! Les élèves ont cette envie d’apprendre et cette reconnaissance de la chance qui leur est offerte qui réchauffe le cœur !
A 400 km de là, à Dodoma, se tient le nouveau Village pour Garçons. Au moment de l’inauguration, les 109 premiers élèves étaient arrivés dans l’école et commençaient à prendre leurs marques.
En arrivant au Village, l’ambiance est différente qu’à Kisarawe, à la limite de la tristesse, comme si les blessures de leur enfance étaient encore trop fraîches et qu’ils avaient du mal à profiter pleinement de cette nouvelle vie qui s’offre à eux.
Après plusieurs jours avec eux, les garçons commencent à se livrer, racontent leur histoire en essayant de retenir leurs larmes…souvent en vain… et moi je les écoute en essayant de retenir mes larmes…souvent en vain… Aucun enfant ne devrait avoir à vivre ce qu’ils ont vécu et pourtant…combien d’enfants dans le monde souffrent sans que personne ne se soucie de leur avenir ?
Ces moments de partage semblent leur avoir fait du bien, ils rient entre eux, jouent au football et apprécient de se faire prendre en photo. Cela ne fait que quelques semaines qu’ils sont arrivés au Village et de vrais liens d’amitié se sont déjà créés.
Peut-être un jour quitter Pwani…
Pwani est une ville très pauvre située non loin de Dar Es Salam et les Sœurs s’y rendent parfois pour faire passer l’examen d’entrée aux enfants en âge d’intégrer nos écoles et qui ont réussi l’examen de fin de primaire.
Le jours de l’examen, 47 jeunes filles nous attendaient devant l’église d’un village. Les habitations tout autour témoignent du degré de pauvreté dans lequel elles ont grandi.
Le silence règne tout autour de l’église. Les filles savent qu’elles n’ont qu’une seule chance de présenter l’examen d’entrée et elles savent aussi que peu d’entre elles peuvent espérer être acceptées dans notre Village pour Filles.
Comme nous aimerions pouvoir les accepter toutes ! Mais les places sont limitées. Chaque année, ce sont une centaine de nouvelles élèves qui peuvent intégrer l’école, alors que dix fois plus passent l’examen d’entrée.
Cette ambiance mêlant l’espoir au désespoir est déchirante !
Les Sœurs de Marie
Je ne pouvais pas terminer ce témoignage sans évoquer la bienveillance des Sœurs de Marie.
Les moments passés auprès d’elles, m’ont fait comprendre le véritable sens du mot « dévouement ». Ces Sœurs sacrifient leur vie pour que des enfants puissent vivre la leur à l’abri de la pauvreté. Elles les écoutent, les encouragent, les réconfortent, les réprimandent parfois…tout comme le ferait une Maman.
Pourtant, les Sœurs sont les premiers témoins de l’extrême pauvreté. Elles parcourent tous les recoins du pays en bus, à pieds, en bateau … à la recherche de nouveaux élèves. Elles côtoient la pauvreté dans ce qu’elle a de plus moche et de plus dangereux tout en gardant l’espoir d’un avenir meilleur !
Leur vision positive, leur humour et leur capacité à voir le meilleur en chacun est selon moi une des principales raisons à l’épanouissement de chaque élève de nos Villages et pour tout cela, je leur dis merci !