QUE REPRÉSENTE LE CONFINEMENT DANS NOS 4 VILLAGES AUX PHILIPPINES AINSI QUE DANS NOS AUTRES VILLAGES À TRAVERS LE MONDE ?
Je reviens d’une visite dans deux de nos écoles aux Philippines. Le voyage, ainsi que la visite des deux autres écoles de Cebu, ont été écourtés d’une semaine en raison du confinement dû au Covid-19 sur Manille qui a débuté à minuit le dimanche 15 mars.
Qu’est-ce que cela signifie pour nos quatre écoles là-bas et pour nos autres écoles dans le monde ?
Imaginez, si vous voulez, 5.500 enfants à enseigner, nourrir, occuper et organiser lorsqu’une ville est en “lock down”. Cinq pains et deux poissons…
Tout d’abord, le manque d’enseignants – ils n’ont pas pu se rendre dans les écoles pour enseigner aux enfants. Jeudi, avant l’annonce du confinement, le Village pour Garçons n’avait que 15 des 65 enseignants habituels et maintenant il n’y a plus d’enseignants. Toujours pleines de ressources, et avec le soutien des diplômés et des élèves, les Sœurs ont pu maintenir les cours pour la plupart des classes. Les élèves de dernière année de la classe A ont pris du temps sur leur propre apprentissage pour diriger les cours de mathématiques, de technique et autres pour toutes les autres années.
Les élèves ont été encouragés à s’organiser pour d’autres activités. Des clubs de sports et des activités extrascolaires supplémentaires étaient disponibles pendant la semaine plutôt que seulement le samedi. Saviez-vous que les garçons et les filles ont une grande variété d‘activités extrascolaires ? Groupes de musique, danse, Taekwondo, autres sports, chants, groupes de prière, cuisine, couture et bien d’autres encore.
Ils ont par exemple profité de l’occasion pour avancer tous les uniformes à coudre et qui sont maintenant déjà prêts pour les élèves de première année qui devaient arriver au mois d’avril. Ils ont même organisé un concours du plus grand nombre et meilleurs uniformes cousus en 30 minutes! D’autres enfants ont fait du jardinage supplémentaire, du rangement, de la cuisine et ont offert leur aide là où ils le pouvaient. Ils ont continué à remplacer la terre et les plantes dans les jardins de légumes, de fruits et de fleurs qui ont été détruits par la cendre volcanique en janvier.
Le principal souci est le prix et la disponibilité de la nourriture
La nourriture doit être de bonne qualité et en quantité suffisante pour que ces 5.500 enfants puissent continuer à se concentrer sur leurs études pendant que la zone est en confinement et qu’il n’y a pas de produits des jardins.
Ayant maintenant parlé avec de nombreux élèves, je sais combien il est important pour eux de ne pas s’inquiéter d’avoir faim, de savoir d’où viendra le prochain repas, d’où vient l’argent pour payer la nourriture et assurer la sécurité de leur famille. De telles responsabilités sont lourdes pour un enfant.
Les écoles des Sœurs de Marie apportent avant tout aux enfants la sécurité, la certitude du lendemain et un réel espoir pour l’avenir.
Il y a 11.000 enfants dans nos 4 écoles des Philippines et environ 20.000 enfants dans l’ensemble de nos Villages par le monde. Unissons nos efforts pour qu’ils puissent tous être nourris physiquement et spirituellement en ces temps difficiles.
Un havre de paix
Lors de ce voyage, qui est mon premier voyage en Asie, l’impression générale qui se dégage du trajet de l’aéroport à l’école de Cavite est celle d’une atmosphère d’agitation, de bruit et de bousculade. Bien sûr, toute grande ville est pleine de circulation et de gens et, vivant à Londres, j’y suis assez habituée.
Mais franchir les portes de l’école, c’est entrer dans un havre de paix : les oiseaux chantent dans les manguiers, les enfants jouent au basket-ball, ils vont de leçon en leçon dans des groupes bien ordonnés, en bavardant, le déjeuner est préparé dans des cuisines impeccables, les leçons ont lieu dans des salles de classe et des laboratoires techniques bien équipés, les enfants aident au jardinage.
Par-dessus tout, le contraste avec les vies chaotiques et anxieuses qu’ils ont connues “à l’extérieur” ne pourrait pas être plus fort. Ici, on s’occupe d’eux, on les nourrit, on les éduque, on leur enseigne les compétences de la vie courante et on les protège des soucis et de la faim. Bien sûr, les enfants s’inquiètent toujours pour leur famille, comme l’ont montré les entretiens que j’ai eus avec eux, mais ils s’inquiètent moins parce qu’ils savent que le temps passé à l’école les prépare à un avenir productif.
Ambition et détermination
Leur ambition, sans exception parmi tous ceux à qui j’ai parlé, est de soutenir leur famille une fois qu’ils pourront gagner leur vie. « Je suis déterminée à sortir toute ma famille de la pauvreté » a déclaré une élève dont la famille a maintes fois failli à ses obligations envers elle et ses frères et sœurs. « Mon objectif est de construire une maison pour mes parents » a déclaré une autre dont la famille vit dans une cabane d’une seule pièce. Les diplômés des écoles des Sœurs de Marie du monde entier montrent que la plupart d’entre eux font exactement cela.
Même le simple fait de fréquenter l’école a un impact positif sur leur famille – une bouche de moins à nourrir signifie qu’un frère ou une sœur de plus peut fréquenter l’école locale; les frères et sœurs veulent suivre leur exemple, sont plus motivés à fréquenter l’école régulièrement et à étudier plus; les parents peuvent se permettre plus de nourriture.
Conclusion
Je ne sais pas si vous avez déjà eu faim, mais les histoires que ces enfants m’ont racontées montrent le niveau de responsabilité qu’ils ressentaient avant même l’âge de 10 ans: aller travailler et gagner assez pour mettre de la nourriture sur la table pour leurs frères et sœurs; se mettre en danger juste pour avoir de l’argent pour au moins un repas par jour; devenir des parents de substitution lorsque la famille est dysfonctionnelle. Ils arrivent souvent à l’école sous-alimentés et trop petits pour leur âge, sans compétences sociales de base.
Ma première impression du Village pour Filles et pour Garçons de Cavite est que les Sœurs offrent un environnement qui protège et nourrit bien plus que le corps. Les enfants ne reçoivent pas seulement des connaissances, des compétences pratiques et un savoir-faire technique. Ils sont aussi aimés et chéris, et ils reçoivent un ensemble de valeurs dont ils ont tous parlé: le travail acharné, l’aide aux autres, le respect, les bonnes manières et la participation pleine et entière aux opportunités offertes.
Les enfants plus âgés que j’ai rencontrés en dernière année d’école sont heureux, épanouis et ambitieux et témoignent du travail inlassable, joyeux et compétent que les Sœurs de Marie investissent dans ces enfants, qui sont parmi les plus pauvres de la planète, pour en former les citoyens productifs de l’avenir.
Clare Bamberger